Les îlots de fraîcheur : une réponse efficace contre les impacts des canicules en ville

70 % de la population de la métropole parisienne est sensible à l’effet d’îlot de chaleur urbain. De nombreuses actions sont mises en place pour créer des îlots de fraîcheur accessibles aux personnes vulnérables. Basés sur la végétalisation, les matériaux ou la présence de l'eau, ces espaces répondent à des enjeux primordiaux dans la lutte face au changement climatique.
SOMMAIRE :



En période de canicule, les autorités sanitaires recommandent de se rafraîchir au minimum quelques heures par jour dans des lieux frais. Alors que de nombreux logements subissent des phénomènes de surchauffe, les collectivités misent sur les îlots de fraîcheur pour permettre aux citadin·es ces quelques heures de repos.

Qu’est-ce qu’un îlot de fraîcheur ?

Les îlots de fraîcheur peuvent être définis de différentes manières, la Ville de Paris les identifie comme « des lieux d’accueil, de halte et/ou de repos, accessibles au grand public et repérés comme source de rafraîchissement par rapport à leur environnement proche en période chaude ou caniculaire ».  Ce sont des espaces extérieurs ou intérieurs qui peuvent être naturellement frais ou rafraîchis.

Les parcs, les jardins, et certains bâtiments comme des musées, lieux de culte, ou monuments sont ainsi considérés comme des îlots de fraîcheur « naturellement frais ». La présence de végétation, d’ ombre, d’ eau, de certains matériaux permet de rafraîchir ces lieux en journée, mais c'est aussi la forte inertie thermique des bâtiments qui leur permet de conserver leur fraîcheur en journée. 

La mise en place d’autres dispositifs comme des voiles d’ombrage peuvent aussi permettre d’apporter de la fraîcheur en ville, lorsqu’il n’est pas possible de végétaliser.

Les espaces rafraîchis peuvent être des établissements publics bénéficiant de systèmes de climatisation comme des bibliothèques, des musées. En cas d'activation des plans canicules, les collectivités peuvent aussi mettre à disposition des personnes fragiles des salles rafraîchies pour les personnes vulnérables.

Les brumisateurs, piscines, jeux d’eau, peuvent aussi être considérés comme des îlots de fraîcheur : ces dispositifs de rafraîchissements pérennes ou temporaires (installés pour la période estivale) permettent d’apporter du rafraîchissement dans des quartiers carencés ou dépourvus d’îlots de fraîcheur naturels.


Rafraîchir grâce à la végétalisation


Impact de la végétalisation sur la température

 
La végétation joue un rôle primordial pour rafraîchir les villes. A Paris, on estime qu’avec 300 hectares de végétation en plus, la température pourrait diminuer de  0,5 à 1°C lors d'une journée caniculaire (d'après un scénario de l' étude EPICEA). Cette végétation doit cependant être suffisamment irriguée, les végétaux en situation de stress hydrique ayant un effet rafraîchissant limité. Des pelouses sèches en été par exemple, ne permettent pas de rafraîchir en journée.

Les arbres, lorsqu’ils sont développés, permettent de fournir de nombreux services écosystémiques. Un arbre mâture peut ainsi reproduire la fraîcheur équivalente à 5 climatiseurs qui tourneraient pendant 20 heures grâce au phénomène d’évapotranspiration qui lui permet de transpirer jusqu'à 450 litres d’eau par jour par ses feuilles selon l'Ademe. Mais tous les arbres ne peuvent pas « évapotranspirer » de la même manière car cela dépend de leur âge, de leur surface foliaire et de leur état de stress hydrique.

À Aubervilliers, où un parking a été transformé en îlot de fraîcheur grâce à la plantation de 70 arbres, on note une baisse de la température ressentie (indice UTCI) de -2,5°C en moyenne sur 24h, allant jusqu’à -6°C autour de 13h. On a également enregistré une baisse de la température de l’air sur le site, jusqu’à -1,0°C en fin d’après-midi.

Les différentes manières de végétaliser


Toutes les essences d'arbres ne répondent pas de la même manière aux contraintes qui peuvent exister en milieu urbain et ne fournissent pas toutes les mêmes services écosytémiques (support de biodiversité, rafraîchissement de l’air, captation des particules, paysage, stockage du carbone, gestion de l’eau, etc.). Des outils comme Sesame, accessibles au public et conçus en collaboration entre des collectivités et le Cerema, permettent de renseigner les services et les contraintes rendus par de nombreuses essences.

Il est ainsi primordial de varier les essences et les strates de végétaux (arbres, arbustes, etc.) pour avoir un écosystème plus résilient face aux impacts du changement climatique.

Cette végétalisation peut aussi bien avoir lieu sur la voirie, les trottoirs, les cours d’école, mais aussi dans les bâtiments : les cours d’immeubles, les toitures ou les murs.

Sur la voirie, on préfèrera la végétalisation en pleine terre qui permet aussi de désimperméabiliser les sols. Il est aussi possible de concevoir des noues urbaines perméables ou des bacs de plantation irrigués grâce à des eaux de pluie récupérées sur la voirie ou les toitures.

Dans les immeubles, on peut végétaliser sa cour grâce à des techniques similaires, ou bien son mur en privilégiant des plantes  grimpantes plantées en pleine terre. Pour les toitures, les possibilités de végétalisation dépendent de la portance de la structure, de la pente, etc. On peut choisir de la végétation extensive ou intensive, et la coupler à des panneaux solaires pour en améliorer la production. On a déjà relevé des écarts de températures allant jusqu’à 43°C entre des toitures nues et des toitures végétalisées. Le système de toitures végétalisées Oasis qui a été instrumenté permet une amélioration du confort thermique avec - 25 °C relevés sur la température de surface du toit, conduisant à un gain de température allant de - 3 à - 5 °C à l’intérieur du bâtiment.

Rafraîchir grâce à la présence de l’eau


Les cours d’eau emmagasinent la chaleur grâce au principe d’inertie thermique et l’évacuent par la circulation de l’eau.

La présence de l’eau permet aussi de rafraîchir, car le passage de l’eau de l’état solide à l’état gazeux peut contribuer à réduire la température. Le taux d’humidité rentre ainsi en compte dans le calcul du confort thermique mesuré grâce à des indices comme l’UTCI.

Récemment, des projets de réouverture de certains cours d’eau sont en cours. Le Val-de-Marne a ainsi initié le projet de retour à l’air libre de la Bièvre, des communes comme Vitry ont aussi réouvert des cours d’eau enterrés jusque-là : c’est le cas de la Petite Saussaie, qui resurgit sur trois sites de la ville.

La brumisation, lorsqu’elle est maîtrisée et activée uniquement pendant les périodes chaudes peut aussi permettre de rafraîchir plus directement les usager·ères. On privilégie la brumisation descendante et les solutions low-tech et ludiques. Sur un projet instrumenté aux alentours de Bordeaux, où a été installé un îlot de fraîcheur temporaire associant des bacs végétalisés à de la brumisation, on a ainsi relevé une réduction des températures du sol allant jusqu’à 20 °C par rapport à un espace minéral nu, et un gain de 2 °C de température ambiante sous le végétal associé à un kiosque brumisant. C’est ainsi la brumisation qui permet d’améliorer sensiblement le confort thermique sur le projet.


Rafraîchir grâce aux choix des matériaux


Le choix des matériaux joue aussi un rôle primordial pour rafraîchir un espace. La capacité réfléchissante et l’inertie thermique sont les deux paramètres à prendre en compte lorsque l’on vise le confort thermique des usager·ères. 

Les matériaux clairs ou  la peinture blanche ont un albédo plus élevé que les matériaux classiques comme le béton ou les pavés, et réfléchissent davantage les rayons lumineux. 

L'albédo d'une surface correspond à son pouvoir de réfléchir la lumière du soleil. 

Néanmoins, les matériaux trop clairs peuvent nuire au confort des usager·ères en les aveuglant et peuvent altérer les racines des jeunes arbres.

L’ inertie thermique est la capacité à accumuler et restituer un flux thermique. Les matériaux à forte inertie mettent plus de temps à se réchauffer et relâchent leur chaleur pendant la nuit, contribuant ainsi au phénomène d’îlot de chaleur urbain.  

L’importance de rafraîchir les villes pour améliorer le confort et la santé des habitant·e·s

Les risques liés au phénomène d’îlot de chaleur urbain


L’îlot de chaleur urbain (ICU) est un phénomène climatique qui se traduit par des températures plus élevées dans les villes que dans les zones périurbaines, particulièrement la nuit et lorsque les conditions y sont favorables (vent faible, ciel dégagé). On peut le représenter par une bulle de chaleur stagnante. Cette surchauffe s'explique par la forme de la ville (densité, taille des bâtiments...), ses matériaux (bitume, asphalte...) et les sources de chaleur anthropique (voitures, climatiseurs...).

Dans la région parisienne, ce phénomène peut entraîner des différences de température allant jusqu’à 8°C entre les zones urbaines denses et les zones rurales alentours.

73 % de la population vivant dans la métropole parisienne est sensible à l’îlot de chaleur urbain, qui a des conséquences sur la santé, la faune et la flore ( Métropole du Grand Paris). Le risque de décès lié à la chaleur d’un·e habitant·e vivant dans un îlot de chaleur urbain est ainsi deux fois plus important qu’un·e habitant·e non exposé·e. Dormir dans une chambre sous les toits mal isolés multiplie ce facteur par 4,1 ! 

27 % de la population ne dispose pas d’un accès aisé à un espace vert et une récente étude a montré que le risque de mortalité liée à la chaleur est 18 % plus élevé dans les communes les moins arborées de la métropole parisienne ( Santé Publique France).

Dans le même temps, les scientifiques prévoient une augmentation et l’intensification des épisodes de vagues de chaleur et des nuits tropicales dans les années à venir.

De nombreuses collectivités travaillent ainsi à la conservation du patrimoine arboré existant, et à l’augmentation des surfaces végétalisées. Des mesures pour désimperméabiliser les sols, végétaliser, et adapter les matériaux sont encouragées dans de nombreux plans programmatiques ou réglementaires. Ces mesures permettront peut-être d'atténuer l'effet l’îlot de chaleur urbain mais son ampleur dépend selon les zones, et il ne pourra jamais complètement disparaître.

Afin de créer des espaces refuges et ressources pour les habitant·e·s, les services publics mais aussi les acteurs privés tentent de créer de nouveaux îlots de fraîcheur. Le programme des cours d’école Oasis vise ainsi à transformer les cours pour en faire des lieux plus frais, désimperméabilisés et arborés, que l’on pourrait mettre à disposition de la population lors des vacances scolaires ou le weekend.

Les bienfaits d’un îlot de fraîcheur


Les îlots de fraîcheur constituent des espaces refuges pour les personnes les plus vulnérables à la chaleur : les enfants mais aussi les personnes isolées, les personnes âgées (qui vont constituer une plus grande partie de la population dans les années à venir), et même des publics à priori moins fragiles lorsque les canicules sont très longues et très intenses.

Ils permettent aussi d’améliorer le bien-être des habitant·e s, de valoriser un patrimoine et  de contribuer à la biodiversité lorsqu'ils sont basés sur des solutions fondées sur la nature.  


Comment faciliter l’accès aux îlots de fraîcheur en ville ?

Cartographier les îlots de fraîcheur en ville


Pour faciliter l’accès aux îlots de fraîcheur et les faire connaître, de nombreuses collectivités produisent des cartes qui répertorient les îlots de fraîcheur d’un territoire donné.

La carte des îlots de fraîcheur de la Ville de Paris répertorie plus de 900 îlots de fraîcheur et permet aussi aux usager·ères de suggérer des îlots de fraîcheur qui ne sont pas encore répertoriés. Ces données en accès libre sur la plateforme open data de la Ville et mises à jour automatiquement.

Étendre les horaires d’ouverture des îlots de fraîcheur


Il s’agit aussi de rentre plus accessibles ces espaces frais. Faciliter leur accès (gratuité des espaces payants), élargissement des horaires d’ouverture, accompagnement des personnes à mobilité réduite dans ces lieux frais, sont autant de solutions pour s’assurer qu’un maximum de personnes puissent se ressourcer dans ces endroits. 

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