Quels arbres choisir pour la ville de demain? 

Afin d'élaborer des stratégies de végétalisation cohérentes et de mieux comprendre les interactions entre ces spécimens, la ville et le climat, les expert·es de la Ville de Paris mènent plusieurs études sur le comportement de l’arbre en milieu urbain. Mathilde Renard, responsable du Service des Sciences et Techniques du Végétal et de l’Agriculture urbaine, répond à nos questions.
Article publié le 18 mai 2021

Renforcer la place des arbres et du végétal en ville apparaît comme un des axes forts pour rafraîchir les villes et améliorer le cadre de vie des citadin·es. Planter des arbres est un des leviers largement identifié par les villes pour s’adapter au changement climatique. Ils améliorent le paysage, nous apportent de l’ombre grâce à leur canopée, de la fraîcheur grâce à l’évapotranspiration, et constituent des refuges pour la biodiversité. Dans un contexte de changement climatique, il est néanmoins indispensable de s'interroger sur le comportement de ces espèces.

La Ville de Paris, entre 2014 et 2020, a réussi le défi de planter 20 000 arbres sur l’espace public. Les nouveaux projets de plantation de 100 ha sur l'espace public, de cours d’école oasis, de forêts urbaines, de ramblas vertes ou encore de végétalisation du périphérique sont autant de terrains de jeux pour permettre à la végétation d’être plus présente dans ce territoire minéral. L'objectif de la Ville est de planter 170 000 arbres dans les prochaines années.


ENTRETIEN

Mathilde Renard, responsable de la Division Expertises Sol et Végétal à la Ville de Paris répond à nos questions sur les études en cours au sein de l’agglomération.


En 2050, Paris devrait connaître plus de 25 jours de canicule chaque été. Pourquoi les arbres sont-ils si importants dans la stratégie d’adaptation au changement climatique de la Ville de Paris ?  


Mathilde Renard : Les arbres sont reconnus pour leur contribution au confort thermique lors d’épisodes de canicule. Tout d’abord par l’ombrage qu’ils apportent, mais aussi grâce au processus d’évapotranspiration, qui contribue à rafraichir l’environnement immédiat. Au-delà de l’arbre lui-même, l’espace de pleine terre auquel il est associé, qui infiltre les eaux de pluie, et peut-être végétalisé ou recouvert par des surfaces absorbant peu la chaleur, contribue également à optimiser et démultiplier les bénéfices apportés par les arbres.

Les arbres plantés aujourd’hui résisteront-ils au climat futur, ou doit-on miser sur de nouvelles essences plus adaptées ?


Mathilde Renard : Dans un contexte urbain déjà très contraignant, le choix des essences d’arbres s’est toujours porté vers des essences robustes, mais l’augmentation des sécheresses et la réduction globale de la ressource en eau nous amène en effet à nous tourner vers des essences toujours plus résistantes

Le choix n’est cependant pas toujours évident...
 
  • Faut-il se tourner vers les essences les plus résistantes, qui apportent parfois un ombrage réduit ? 
  • Faut-il laisser de côté les essences locales et se tourner vers les essences plus méditerranéennes ?
  • Comment inscrire ce changement dans notre patrimoine et paysage urbain ? 

Cette stratégie doit s’accompagner d’une autre démarche pour limiter la raréfaction de la ressource en eau, en favorisant la pleine terre, condition indispensable sur le long terme pour maintenir les arbres et les bénéfices qu’ils peuvent apporter.

La Division Expertises Sol et Végétal dirige actuellement une étude intitulée « Arbres et Climat » qui étudie le comportement de neuf essences d’arbres. En quelques mots, pouvez-vous nous dire à quoi permettra de répondre cette expérimentation ? 


Mathilde Renard : L’objectif est de mieux comprendre et de comparer la façon dont les essences d’arbres résistent aux périodes de sécheresse, et quel peut être leur capacité à rafraichir, et donc à améliorer le confort thermique à proximité en cas de canicule.

36 arbres ont été équipés avec 3 ensembles d’instruments permettant de mesurer :
 
  • Des données microclimatiques (température, vents, humidité) qui permettront d’évaluer le confort thermique apporté par les arbres
  • Des données sur le comportement physiologique des arbres, permettant d’évaluer la résistance à la sécheresse des essences étudiées, et leur potentiel de rafraichissement
  • Des données d’images 3D sur les formes et densité des houppiers, afin d’évaluer la qualité et la contribution de l’ombrage au rafraichissement.


Les choix en termes de végétation peuvent parfois poser des enjeux contradictoires, comment arriver à faire consensus ?


Mathilde Renard : Il faut probablement miser sur la diversité des solutions, adaptées aux contextes et aux usages… 

On peut miser sur la capacité des végétaux à rafraîchir sur certains espaces où les eaux de ruissellement peuvent être concentrées, et ainsi sélectionner des espèces peut-être moins résistantes à la sécheresse. A l’inverse, d’autres espaces plus contraints, sur dalle ou très exposés, peuvent être aménagés avec des végétaux plus résistants, à faible impact rafraîchissant mais permettant tout de même la rétention d’une partie des eaux de pluie, et une limitation de l’effet d’accumulation de la chaleur. La végétalisation peut aussi être associée à d’autres solutions (ombrières, choix des matériaux, etc.)


Comment allier la question de la préservation de la ressource en eau, et l’arrosage des plantes en été à Paris ? 


Mathilde Renard: C’est un véritable enjeu en effet, et les études que nous menons portent plutôt sur les effets de la raréfaction de la ressource en eau. Cependant, les projets de végétalisation de l’espace public visant à désimperméabiliser les sols et à augmenter les espaces de pleine terre répondent à ce double enjeu de préservation de la ressource tout en permettant de placer les arbres et la végétation dans des conditions favorables, en optimisant ainsi les bénéfices qu’ils peuvent apporter.

 

Pour finir, pouvez-vous nous dire quelques mots de l’outil SESAME, qui vise à aider les acteur·rices à choisir les bonnes essences d’arbres à planter ?

 
Mathilde Renard : Cet outil, mis au point par le CEREMA avec la ville et la Métropole de Metz, permet justement de proposer un large choix d’essences, en tenant compte des services qu’elles peuvent rendre, dans différentes situations urbaines
 
En effet, l’étude vise, sur la base d’une large bibliographie scientifique, à évaluer les services rendus par les essences d’arbres, en établissant des indices permettant de les quantifier et de comparer les essences entre elles, et révélant les points forts de chacune des essences. Cet outil est intéressant parce que l’évaluation porte à la fois sur les services rendus (biodiversité, contribution à la régulation du climat, etc.), mais aussi sur les contraintes que certaines essences peuvent apporter (pollens allergisants, racine puissantes, etc.), ce qui le rend adapté au contexte urbain et aux problématiques des gestionnaires. Il ajoute enfin une dimension spatiale et paysagère, démontrant que chaque espèce est plus ou moins adaptée aux différents paysages urbains, invitant ainsi à sélectionner la bonne essence au bon endroit.
 
Cet outil sera adapté au contexte francilien en 2021. L’adaptation de l'étude permettra d’élargir l’évaluation à une centaine d’essences d’arbres, d’ajouter certains services comme la contribution à la régulation des eaux de ruissellement ou le stockage de carbone, et enfin d’adapter la typologie d’espaces inclus dans l’étude. 


Un grand merci à Mathilde Renard, responsable du Service des Sciences et Techniques du Végétal et de l’Agriculture urbaine (SSTV-AU) de la Ville de Paris d'avoir répondu à nos questions


Plus d'info : 

  • Découvrez l'étude SESAME
  • Découvrez également ArboClimat, l'outil de prospective de plantations d’arbres en ville et d’évaluation de la réduction des impacts sur le changement climatique
  • Découvrez la page "L'arbre à Paris" proposée sur le site paris.fr

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