En avril 2025, nous avons pu nous entretenir avec Didier Méreau, Responsable des espaces verts de la mairie de Pantin, au sujet de l’élaboration du plan de gestion de la collectivité.
La gestion écologique des espaces verts à Pantin a été initiée dès 2011 avec l’élaboration d’un plan de gestion différenciée. S’appuyant sur une volonté politique forte, cette démarche s’est accompagnée du recrutement d’un responsable dédié, et d’un travail de fond sur l’évolution des pratiques professionnelles comme sur la sensibilisation du public. Le plan s’applique aujourd’hui à l’ensemble du territoire communal, mobilisant une équipe de 40 agents. Construit à partir de la pratique de terrain, il a évolué progressivement pour intégrer des objectifs environnementaux de plus en plus ambitieux.
Un plan de gestion évolutif qui a été structuré par site et par codes de gestion
Le plan de gestion de Pantin repose sur une codification claire des espaces selon leur usage, leur nature et les objectifs écologiques visés. À l’origine, il distinguait 4 niveaux de gestion différenciée, avant d’évoluer vers 3 codes, puis 2 codes dits de "gestion harmonieuse", plus ambitieux et favorables à la biodiversité :
1. Gestion horticole : entretien systématique (désherbage, taille, arrosage), replantation régulière, fleurissement ornemental pluriannuel.
2. Gestion raisonnée (intermédiaire) : réduction des interventions, choix de plantes plus adaptées.
3. Gestion naturelle maîtrisée : la végétation peut s’exprimer librement, avec des interventions pour maintenir les usages (ex. accessibilité des allées).
4. Gestion naturelle : laisser-faire.
La gestion dite "harmonieuse", mise en œuvre aujourd’hui, combine uniquement les deux derniers niveaux et marque une rupture avec la pratique horticole intensive (ex. abandon progressif des plantes annuelles et des tontes systématiques). La progressivité s’explique par la difficulté accrue d’adapter certains espaces. Transformer un parc, vaste et complexe, exige en effet davantage de changements et de moyens que d’intervenir sur un simple pied d’arbre. De plus, certains lieux emblématiques, porteurs d’attentes paysagères fortes, suscitent plus de résistances à une gestion plus naturelle, comme les abords de la mairie.
Dans le plan de gestion, chaque site fait l’objet d’une fiche spécifique, précisant les types d’entretien, les végétaux et les modalités d’entretien à appliquer selon le code de gestion retenu.
L’élaboration des codes de gestion « version Pantin »
Les codes ont été élaborés en interne : différentes pratiques ont été expérimentées sur le terrain avant de formaliser les niveaux de gestion. Les premiers codes ont été rédigés simplement, par un binôme d’agents.
À l’origine de cette codification : un inventaire réalisé par des professionnels durant environ six mois, mené sur un seul site, puis renouvelé trois ans plus tard. Cette méthode a ensuite été systématisée pour l’ensemble du territoire, permettant de justifier la sanctuarisation ou l’adaptation des modes de gestion sur certains espaces.
Une planification rigoureuse de la gestion harmonieuse
Un an a été nécessaire pour aboutir à un dispositif opérationnel. Cela repose sur une planification rigoureuse, appuyée par plusieurs outils de pilotage :
- Les agents disposent de fiches techniques spécifiques pour chaque site, précisant les types d’entretien à réaliser.
- Ces consignes sont traduites en plannings hebdomadaires précis, permettant à chaque chef d’équipe de connaître les tâches à accomplir, avec peu de marge d’adaptation, assurant ainsi la cohérence et la qualité de la gestion.
- Des fiches d’activités détaillent notamment le temps passé sur chaque tâche. Cela permet d’objectiver les codes de gestion, de valoriser le travail des agents et d’optimiser les ressources matérielles et humaines, avec des indicateurs chiffrés importants pour les décideurs.
- Enfin, la commune a cartographié ses espaces verts, pour visualiser l’ensemble du territoire et orienter les interventions.
L’accompagnement au changement des agents, « clé de la réussite » pour Pantin
Former, faire adhérer les équipes et leur apprendre à communiquer sur la démarche est essentiel. Le changement peut être initialement mal accueilli : il remet profondément en cause les savoirs issus de la formation horticole traditionnelle.
Pour accompagner ce changement, la commune de Pantin a construit un plan de formation. Les chefs d’équipe ont été formés en premier, puis l’ensemble des agents, en mobilisant notamment les enveloppes budgétaires dédiées à la formation dans les collectivités, particulièrement avantageuses pour les formations collectives en interne. L’approche a été volontairement progressive– commencer avec une équipe, sur un seul secteur – et très concrète, en valorisant les bénéfices perçus comme la réduction de la pénibilité. Aujourd’hui, la formation se poursuit de manière continue, chaque agent suivant des modules annuels thématiques tels que la gestion de l’eau, le choix des plantes ou encore la taille des vivaces.
Outre les formations, les jardiniers sont impliqués et écoutés grâce à la concertation. Pour chaque réaménagement, des discussions sont organisées avec les jardiniers pour qu’ils puissent formuler leurs propositions.
Une communication qui s’est développée dans un second temps
Au lancement de la démarche, la priorité était de transformer les pratiques sur le terrain, avant d’engager une communication plus large. La commune s’est toutefois appuyée sur le
label EcoJardin pour valoriser ses efforts : un premier site a été labellisé dès 2013. L’évaluation associée a mis en évidence un axe d’amélioration sur la communication.
En réponse, la ville a développé ses propres outils : panneaux pédagogiques, site internet, charte de l’arbre, charte du sol… Ces supports ont permis de franchir un cap, en rendant la démarche plus visible et compréhensible pour le public.
L’évolution du matériel et des méthodes de travail
L’achat de matériel s’est fait graduellement pour l’ensemble du service. En complément, chaque chef d’équipe dispose d’une enveloppe dédiée pour du matériel léger (gouges, bacs, etc.), à adapter aux besoins du terrain.
Côté organisation, le démarrage a exigé un temps de préparation important, nécessitant des compétences spécifiques et un travail de fond. Toutefois, à moyen terme, la gestion écologique ne prend ni plus ni moins de temps au quotidien. Par exemple, le choix de végétaux mieux adaptés, peu gourmands en entretien, génère un gain de temps progressif sur le terrain. Cependant, la planification reste un travail régulier : chaque année, chaque chef d’équipe consacre environ une semaine à l’élaboration des plannings d’entretien.
Des résultats positifs
- Augmentation notable de la biodiversité, particulièrement visible sur certains sites via l’observation des oiseaux.
- Réalisation d’une première « rue-jardin », intégrant arbres et végétalisation complète des trottoirs, en remplacement des surfaces minérales et chaussées classiques.
- Mise en place de partenariats scientifiques et écologiques : avec l’Université de Rennes, un inventaire approfondi des lombriciens a été réalisé sur une semaine dans le cadre de l’Observatoire Participatif des Vers de Terre (OPVT) ; avec Hermès, un monitoring des ruches est conduit dans le cadre des travaux d’un écoquartier pour évaluer l’impact des chantiers sur la biodiversité et la croissance des plantes.
- Gestion durable des déchets verts : compostage interne, fabrication d’engrais maison, avec analyse régulière de la qualité du compost.