Réseaux de froid urbains : rafraîchir les bâtiments en consommant moins d'énergie. L'exemple de Paris

Les réseaux de froid urbain produisent de l'énergie frigorifique et la redistribuent vers les bâtiments afin de les rafraîchir grâce à un échange thermique. Il existe, en juillet 2023, 28 réseaux de froid en France dont le réseau parisien, exploité par Fraîcheur de Paris.


Enjeux d'adaptation

Mutualiser la climatisation à l'échelle de la ville

Un réseau de froid urbain permet de mutualiser la climatisation à grande échelle. Dans le milieu urbain, le coût du rafraîchissement peut donc être amoindri et l'impact environnemental limité dans un contexte où l'utilisation de la climatisation est à la hausse.
Points forts

Refroidir les bâtiments efficacement

  • Mutualisation de la climatisation à l'échelle de la ville
  • Rafraîchissement des bâtiments et confort lors des canicules
  • Faibles nuisances (bruit de climatisation)
  • Raccordement possible pour une grande variété de bâtiments
Centrale de production à eau de Seine Canada de Fraîcheur de Paris - © Agence Parisienne du Climat
Entrée de la station Canada, entièrement enterrée et résistante aux inondations, dans le 8e arrondissement de Paris - © Agence Parisienne du Climat
Description de la solution
Domaines d'application : Bâtiments, Infrastructures

En quoi consiste un réseau de froid urbain ?

Un réseau de froid urbain est un ensemble d’installations souterraines (canalisations et centrales) qui a pour but de distribuer de l’eau glacée aux bâtiments afin de les rafraîchir.
 
Les réseaux de froid marchent sur le même modèle que les réseaux de chaleur : ils consistent en la distribution d’eau froide au moyen de canalisations en circuit fermé raccordées aux bâtiments.
 
En pratique, le rafraîchissement d’un bâtiment est effectué par un échange thermique. Le réseau de froid va donc envoyer de l’eau froide par une canalisation vers le bâtiment (autour de 2 °C). L’eau froide va capter les calories de ce dernier et le rafraîchir. Et l’eau réchauffée (entre 10 et 12°C) sera ensuite renvoyée, à l’aide d’une canalisation distincte, vers les centrales de productions de froid afin de recommencer la boucle.

Quels sont les différents moyens de produire de l'énergie frigorifique ?

Pour produire de l’eau froide, les réseaux de froid urbains disposent généralement de plusieurs centrales de production. Celles-ci sont composées de groupes frigorifiques qui viennent rafraîchir l’eau. Ces groupes frigorifiques marchent généralement par l’utilisation de fluides frigorigènes. Dans certains cas, l’eau peut être rafraîchie grâce à des échanges thermiques avec les cours d’eau. Il est également possible de récupérer la fraîcheur directement du sol avec un échange thermique : c'est le principe du géocooling.
 
La production d’eau froide consiste à évacuer la chaleur de l’eau. La réinjection de chaleur peut se réaliser de différentes manières : 

  • S’il existe un réseau de chaleur dans la ville, fonctionnant à l’eau chaude (et non à la vapeur), l’eau réchauffée peut être réinjecté dans celui-ci
  • Afin d’éviter de trop impacter le milieu extérieur ambiant, il est possible de réinjecter l’eau chaude dans les nappes phréatiques, qui stockent l’eau chaude en été et qui peuvent être réutilisées en hiver
  • Le même principe peut être appliqué aux eaux d'exhaure (qui sont les eaux d'infiltration remontant des nappes phréatiques)
  • La chaleur peut également être renvoyée dans le réseau d’eau non-potable
  • Il est aussi possible d’évacuer la chaleur dans l’air ambiant, ce qui est moins bon pour l’environnement, à l’aide de tours de refroidissement
 
L’énergie frigorifique n’est pas nécessairement envoyée directement vers le réseau de distribution. Elle peut également être stockée sous forme de glace (cuves) ou d’eau glacée (bassin) pour sécuriser l’approvisionnement en froid pour palier à des périodes de fortes consommation. Le stockage permet également au réseau de s'effacer électriquement pour maintenir l'équilibre du réseau électrique quand il est trop sollicité. En effet, les réseaux de froid sont de forts consommateurs d’électricité et il peut leur être temporairement demandé de réduire leur consommation lors de périodes de fortes de demandes.

Frise sur le fonctionnement du réseau de froid urbain parisien - © Fraîcheur de Paris


Le potentiel de raccordement des bâtiments

Les réseaux de froid urbain peuvent théoriquement rafraîchir une grande variété de bâtiments :
 
  • Bureaux
  • Hôtels et restaurants
  • Lieux culturels et établissements recevant du public
  • Centres commerciaux et grands magasins
  • Hôpitaux et établissements de santé
  • Commerces de proximité
  • Ecoles, EHPAD, crèches
  • Logements

Cependant, aujourd’hui ce sont principalement des bâtiments recevant du public ou faisant partie du tertiaire qui sont desservis car ce sont les plus gros consommateurs d’énergie frigorifique.
 
Avec la demande croissante en froid, la question du raccordement des bâtiments résidentiels se pose, et dans une ville comme Paris où la majorité du bâti est composé de copropriété, la mutualisation de la climatisation par un réseau de froid est pertinente.
 
Il faut tout de même noter que, selon le CEREMA, le potentiel en froid est assez limité dans les constructions neuves. En effet, pour les architectes, le confort d’été doit être assuré par l’architecture du bâtiment (isolation, etc…) plutôt que par un système de climatisation. Par conséquent, les nouveaux bâtiments à haute performance sont moins susceptibles de nécessiter un raccordement au réseau de froid urbain.  

Les réseaux de froid urbain : un outil de réduction de l'empreinte environnementale de la climatisation

Selon l’ADEME, la climatisation représentait, en 2021, 5% des émissions d’équivalent CO2 du secteur du bâtiment. C’est une tendance en hausse à cause de la hausse des températures, notamment en région urbaine. L’impact environnemental de la climatisation est principalement dû à deux facteurs :

  • La consommation d’électricité nécessaire à l’alimentation des systèmes.
  • Le rejet de fluides frigorigènes dans l’atmosphère tels que les Hydrofluorocarbures (ou HFC) qui ont un potentiel de réchauffement global supérieur au CO2 malgré leur durée de vie plus limitée.
 
Les réseaux de froid permettent d’atténuer l’impact environnemental de la climatisation grâce à la centralisation de la production et de la distribution d’énergie frigorifique au sein d’un même réseau. Cela permet notamment de limiter le rejet de fluides frigorigènes tels que les HFC. De plus, les réseaux de froid urbains se basent principalement sur des énergies de récupération (géothermie, production de froid par freecooling, etc…).
 
Certaines sociétés, comme Fraîcheur de Paris et avant elle Climespace, depuis 2013, alimentent leurs réseaux (centrales de production, distribution, etc…) uniquement en énergies renouvelables. Malgré cela, il existe toujours des émissions résiduelles.
 
Il reste tout de même important de noter que la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas. C’est pourquoi des travaux d’isolation des bâtiments et de sobriété dans les usages sont à mettre en place en parallèle afin d’améliorer le confort thermique des bâtiments.

Expérimentation de la solution

Exemple d'un réseau de froid urbain : le réseau parisien de Fraîcheur de Paris

Nous avons échangé en avril 2023 avec Emmanuelle Pacitto (chargée de mission RSE et Relations Extérieures) et Christophe Ladaurade (Directeur commercial) de Fraîcheur de Paris.

Depuis le 5 avril 2022, Fraîcheur de Paris, service public codétenue par ENGIE (85%)et RATP Group (15%), est l’opérateur choisi par la Ville de Paris pour remplacer CLIMESPACE dans la production, le stockage, le transport ainsi que la distribution d’énergie frigorifique au sein de cette dernière. Fraîcheur de Paris dispose aujourd’hui d’un réseau de 89 km de réseau souterrain, de 10 sites de production de froid et 4 sites de stockage d’énergie.

L'implantation du réseau de froid à Paris


Aujourd’hui, le réseau de froid urbain géré par Fraîcheur de Paris compte 770 abonnés. Parmi eux, principalement des bureaux (60% du portefeuille), des commerces, des musées (le Louvre), des bâtiments institutionnels (l’Assemblée nationale par exemple) et des petits commerces. Ce sont entre 6 et 7 millions de m² qui sont rafraîchis pour 370 GWh/an d’énergie frigorifique distribués.

 Pour développer le réseau, Fraîcheur de Paris compte beaucoup sur la fidélisation des clients. Une grande part d’entre eux sont multipropriétaires, une logique de partenariat pourrait donc les amener à raccorder tous leurs bâtiments.

Carte du réseau (2023) - © Fraîcheur de Paris
 
Fraîcheur de Paris ambitionne d’étendre son réseau de manière conséquente, en construisant 158 km de réseau d'ici 2042, et d'être présent dans tous les arrondissements de la ville afin d'alimenter plus de 3000 abonnés. Pour ce faire, la société compte sur les canalisations déjà existantes (téléphoniques, réseaux d'eaux) pour ne pas trop encombrer le sol. 

La société souhaite accroître son implantation chez les particuliers et les petits commerçants. L’attention est également portée sur les bâtiments sanitaires accueillants des populations fragiles : EHPAD, écoles, crèches. Il faut d’ailleurs noter que la société ne souhaite pas obligatoirement climatiser l’ensemble du bâtiment et peut refroidir seulement les pièces stratégiques (une salle commune d’un EHPAD).

Le freecooling sur eau de Seine, une méthode peu énergivore et à faible impact environnemental


A Paris, certaines centrales de productions sont dites "à eau de Seine". Elles utilisent à certaines périodes de l'année le freecooling : méthode qui consiste à capter la fraîcheur naturelle d’une ressource en eau locale et à la réinjecter dans le réseau de froid. 

Dans une ville comme Paris, la fraîcheur peut être captée depuis la Seine, depuis les nappes phréatiques (eaux d’exhaure) et depuis les centrales à géothermie.
 
Il est important de préciser que ce n’est pas la ressource en eau qui est utilisée directement, mais seulement sa température grâce à l’utilisation d’échangeurs thermiques qui permettent de dissocier l’eau du réseau et la ressource naturelle. La méthode du freecooling représente encore une part faible de la production d’énergie frigorifique. Deux manières de l’utiliser sont expérimentées :

  • Lorsque l’eau est très froide (aux alentours de 1 à 2 °C), notamment en hiver, il est réalisé du freecooling pur. La fraîcheur est directement récupérée par le réseau de froid urbain et les eaux froides peuvent être distribuées. Cette méthode permet d’éviter une surconsommation d’électricité liée à l’utilisation de groupes frigorifiques.
  • Quand l’eau est un peu plus chaude (par exemple 5°C), le freecooling par abaissement peut être envisagé. La fraîcheur va être récupérée par l’eau du réseau et celle-ci sera ensuite refroidie par des groupes frigorifiques afin d’atteindre les 2°C et être envoyé chez les abonnés.
 
Toutefois, il est nécessaire de prendre des précautions d’emploi lorsqu’on réinjecte la chaleur dans la Seine, afin d’éviter de trop réchauffer la ressource naturelle. Un freecooling non maîtrisé peut mener à une augmentation de la température et du débit, et donc une destruction potentielle des écosystèmes. A titre d’exemple, la centrale Canada » de Fraîcheur de Paris doit ne pas rejeter à plus de 5 °C de différence avec la Seine.

En décembre 2022, nous nous sommes rendus dans la Station Canada, qui produisait alors de la fraîcheur grâce au freecooling.
 
Le freecooling peut être utilisé en été comme en hiver, où la demande en froid est moins forte (de nombreuses centrales de productions sont mises à l'arrêt) mais où la fraîcheur peut être stockée ou délivrer à certains clients.
 
Aujourd’hui le freecooling représente environ 2 à 4% de la production de froid de la société selon Fraîcheur de Paris. L’objectif est d’atteindre les 12% à l’avenir.

L'impact environnemental du réseau de froid parisien


Sur l’année 2021, Fraîcheur de Paris annonçait 3933 tonnes d’équivalent CO2. Ce sont des émissions résiduelles, mais non négligeables, dues à la consommation énergétique des infrastructures et des centrales, même si Fraîcheur de Paris s'approvisionne uniquement en énergies renouvelables.

 La société a donc pris le parti d’investir dans des projets de compensation, comme la reforestation sur des terrains de l’Office National des Forêts, ou la signature d’une convention avec l’association Bleu-Blanc-Cœur.
Retours utilisateurs-rices

Le musée du Louvre refroidi par le réseau de froid urbain parisien

Le musée du Louvre est climatisé par le réseau de froid de Fraîcheur de Paris depuis 1986, alors encore CLIMESPACE. Pour un musée, la climatisation est nécessaire car les œuvres d’art nécessitent une température ambiante et un taux d’humidité stable.
 
Comparé à des systèmes de climatisation classique, le raccordement au réseau de froid urbain pour le musée présente quelques avantages :

  • Le Louvre nécessite une fourniture de frais en continu (99% de continuité de service). Le réseau de froid urbain permet un meilleur contrôle de la demande en froid, notamment pendant les pics d’affluence
  • Pour le confort des visiteurs, le réseau de froid urbain permet une suppression des nuisances visuelles et sonores liées aux systèmes de climatisation
  • Risques sanitaires amoindries (légionellose)
  • Maîtrise des fluides frigorigènes externalisés

Co-bénéfices

Co-bénéfices environnementaux :

  • Emissions de CO2 et de fluides frigorigènes limitées
  • Limitation des émissions de chaleur anthropique en ville
  • Possibilité de renvoyer l'eau réchauffée vers les réseaux de chaleur urbain

Co-bénéfices autres :

  • Economies d'échelles du fait de la mutualisation de la climatisation
  • Libération de l'espace, notamment en toiture
Coûts

Quel serait le coût d’un raccordement au réseau de froid parisien ?

Si le bâtiment n’est pas déjà raccordé au réseau de froid urbain, des frais de raccordement s’appliquent afin de relier les réseaux et de construire le moyen de livraison (le prix peut notamment dépendre de l’éloignement par rapport au réseau déjà construit).
 
Il vient ensuite le prix de l’abonnement, qui dépend notamment de plusieurs facteurs comme :

  • Le service (couverture des coûts de maintenance)
  • La consommation d’énergie frigorifique
 
Dans le cas du réseau de Fraîcheur de Paris, le coût dépend du prix moyen du MWh. De manière générale, celui-ci se situe entre 100 et 130 € du MWh.
 
Le raccordement à un réseau de froid est généralement assez cher mais les co-bénéfices en font une solution intéressante à mettre en place. De plus, plus le nombre de personnes raccordées sera conséquent, plus les tarifs pourront être avantageux. 

Des aides financières sont-elles mobilisables dans le cadre du réseau de froid urbain ?

Se raccorder au réseau de froid urbain peut être valorisé sous la forme de Certificats d’Economies d’Energie (CEE). Les CEE sont applicables pour des travaux dont le but est de faire des économies d’énergies. L’aide est attribuée en fonction de l’ampleur de ces dernières et des revenus.
 
Dans le cadre du réseau de froid de Fraîcheur de Paris, c’est l’entreprise qui se charge des démarches administratives nécessaires à l’obtention des CEE.

Complexité et contexte de mise en oeuvre

Des infrastructures complexes à mettre en œuvre

Implémenter un réseau de froid dans le milieu urbain demande une très grande logistique et demande généralement quelques prérequis :

  • Ne pas trop encombrer les réseaux souterrains. La possibilité de réutiliser les réseaux existants est à privilégier
  • Besoin de création d’installations de production de froid et de stockage. Plus il y a de demande, plus ce besoin augmente. C’est une problématique dans les villes très denses, déjà saturées en espace, notamment dans les souterrains.
  • Un réseau de froid demande une grande production d’énergie. Pour limiter l’impact environnemental, il doit donc souvent s’accompagner d’un développement d’énergies renouvelables à proximité ou de sources comme la géothermie.
  • La production de froid implique de la production de chaleur. Il faut donc pouvoir l’évacuer, ou au mieux la valoriser.
 
De plus, pour être rentable, un réseau de froid doit avoir accès à un large panel de clients (plus il y a d’abonnés, plus le prix peut être avantageux) et être utilisé régulièrement, c’est pourquoi ce type d’infrastructure est largement plus présent en zone urbaine dense.
 

Comment se raccorder à un réseau de froid urbain ?

Le procédé de raccordement et d’abonnement à un réseau de froid urbain peut changer d’un concessionnaire à un autre. Celui-ci prend généralement plusieurs mois. Nous pouvons néanmoins nous intéresser aux étapes d’un raccordement au réseau de Fraîcheur de Paris à titre d’exemple :

  • Une fois que le client a contacté la société, une étude de faisabilité (4 semaines) est entamée afin de définir le besoin en puissance, les conditions économiques du raccordement et à quelle échéance le client souhaite voir aboutir le projet.
  • Une première offre commerciale est alors proposée, avec une explication des services fournis et une transparence sur le prix, et celle-ci mène à la signature d’une lettre d’engagement.
  • Une étude de conception valide ensuite le projet (3 à 4 mois) et le client peut signer les contrats de raccordement et de fourniture de froid.
  • Fraîcheur de Paris s’occupe des demandes d’autorisations pour les travaux (auprès de la S.A.P ou la Préfecture notamment) et des prestataires sont engagés pour les travaux (ce processus peut prendre entre 6 et 10 mois).
  • Les travaux consistent en l’allongement du réseau de canalisation en direction du ou des bâtiments concernés et en l’installation du moyen de livraison. Le raccordement est ensuite effectué par le client directement depuis le moyen de livraison.

Prestataire(s)

  • Fraîcheur de Paris

    Fraîcheur de Paris est le concessionnaire choisi par la Ville de Paris en avril 2022 pour opérer sur le réseau de froid parisien sur une durée de 20 ans. 


    Téléphone : 01 40 02 78 00
    Envoyer un e-mail

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