Désimperméabiliser la voirie : les pavés perméables (enherbés, à larges joints, en béton perméable, …)
Les pavés sont des revêtements de sol qui peuvent permettre d’infiltrer les eaux pluviales à travers la voirie grâce à la perméabilité de leurs joints ou à la porosité de leur structure. Ils sont adaptés à des voies carrossables à faible affluence, à des zones de stationnement ou des voies piétonnes.
Un revêtement perméable permet à l’eau de pluie de s’infiltrer directement dans le sol naturel au travers de la voirie. Désimperméabiliser les sols d’une partie de l’espace public répond à plusieurs enjeux :
Réduire le risque d’inondation en évitant le ruissellement et la saturation des réseaux d’assainissement
Alimenter les nappes phréatiques, et participer à la diminution du risque de sécheresse
Diminuer la pollution des nappes et des cours d’eau : en évitant le ruissellement, on empêche que les eaux pluviales charrient avec elles les déchets et polluants présents sur les sols imperméables de la ville avant d’arriver dans les réseaux et rivières
Points forts
Une modularité appréciable
Possibilité de végétalisation
Facilement remplaçables
Carrossables
Atout esthétique
Description de la solution
Domaine d’application : Espace Public
Quels sont les types de pavés perméables ?
La perméabilité des pavés peut se faire de deux façons : par les joints entre les pavés, ou par le pavé lui-même.
Les pavés à joints poreux
Ces pavés sont imperméables, mais l’eau peut s’infiltrer dans les espaces entre eux, permettant de perméabiliser environ 10% de la surface d’un ouvrage. Les joints sont élargis et remplis de gravier fin, de sable grossier ou d’un mélange organo-minéral si l’on souhaite y faire pousser de la végétation, comme dans le cas des pavés enherbés.
À noter : les pavés enherbés ont une perméabilité plus faible, et sont moins adaptés si l'objectif est d'infiltrer des fortes pluies sans autres zones perméables autour.
Les pavés à structure poreuse
Ces pavés sont constitués d’un matériau perméable, permettant à l’eau de s’infiltrer directement là où la goutte tombe au travers de la voirie. Cela permet une plus grande surface d’absorption que les pavés à joints poreux.
Ils sont posés sans joint, collés les uns contre les autres. Cela les rend davantage adaptés pour les personnes à mobilité réduite (PMR) et les mobilités douces.
Les pavés à structure poreuse peuvent notamment être constitués de béton coquiller, issus de déchets de conchyliculture, ou de béton drainant, un béton qui réserve des porosité grâce à une faible quantité ou une absence de sable.
Dans quels cas utiliser des pavés perméables ?
Ils sont notamment utiles lorsque l’espace n’est pas suffisant pour gérer les eaux pluviales avec des dispositifs végétalisés, ou lorsque le sous-sol n’est pas propice à la concentration des eaux en un point, car sensible ou peu perméable. Néanmoins, ils ne suffisent généralement pas à gérer les pluies très intenses.
De manière générale, les pavés peuvent être adaptés pour :
Des zones piétonnes
Des aires de stationnement véhicules légers
Des voiries véhicules légers
Des voies de distribution
Des voies pompiers
Ils peuvent être accessibles aux PMR. Les pavés à joints poreux sont moins adaptés pour les PMR, du fait de l’écart entre eux qui peuvent créer une surface irrégulière qui rend la circulation moins aisée pour les utilisateurs de fauteuils roulants et autres aides à la mobilité (canne, déambulateur, etc.).
Les pavés ne sont en revanche pas préconisés pour des fortes pentes et des zones de giration. Ils ne pas non plus adaptés aux véhicules lourds, ni à des zones à très forte fréquentation car ils sont sujets à la formation d’ornières.
Comment limiter leur impact environnemental ?
Privilégier un matériau bas carbone
Les pavés conservent un impact environnemental moyen à élevé, qui dépend surtout des matériaux utilisés pour leur fabrication. On peut le réduire en utilisant par exemple des matériaux recyclés, comme dans le cas des pavés en béton coquiller.
Pour des pavés en béton perméable, on peut également choisir du béton sans clinker (mélange de calcaire et d’argile dont la cuisson à 1 400°C génère d’importantes émissions de CO2).
Favoriser le réemploi
Pour réduire l’impact du matériau utilisé, les pavés perméables peuvent être issus du réemploi, en réutilisant par exemple des pavés déjà présents sur la commune. Il est ainsi possible de transformer des pavés imperméables en pavés perméables en leur créant des joints poreux.
Dans le cimetière de Montreuil, on a par exemple réutilisé des pavés napoléon retirés ailleurs dans le cimetière pour créer une allée d’accès au bâtiment administratif à l’entrée, en ne comblant plus les joints avec du mortier mais en les enherbant.
Contribuer à la présence du végétal avec les pavés enherbés
Les pavés enherbés présentent certains avantages environnementaux : ils contribuent à la réduction de l’îlot de chaleur urbain et favorisent le développement de la biodiversité en ville.
Atout esthétique
Les pavés présentent l’avantage de proposer une grande diversité de rendus possibles. Il existe de nombreux choix de formes (carrées, rectangulaires, hexagonaux, …), de couleurs, de surfaces (lisses, ondulées, bosselées, polis, vieillis, brutes, …). La possibilité de végétaliser les joints représente également une possibilité de plus pour embellir un espace.
Attention à l’effet réfléchissant d’un revêtement de sol avec une teinte claire, qui renvoie chaleur et luminosité aux usagers en journée. Une teinte claire est par ailleurs plus salissante, et n’est donc pas adaptée à tous les usages (parking notamment).
Cette variété de rendus permet de jouer sur l’esthétique du revêtement et d’apporter une plus-value paysagère. Les pavés peuvent ainsi permettre de faire du marquage, de rendre réparable facilement un espace, de diversifier le paysage urbain.
Mise en œuvre
Les travaux de mise en œuvre de pavés perméables vont être propres à chaque fabriquant, mais ils suivent globalement ces étapes :
Terrassement, pour assurer la stabilité et la durabilité du futur revêtement : excavation et évacuation des terres de remblai, nivellement.
Pose de la couche de fondation, qui va venir consolider la surface en fonction des caractéristiques du sol et des charges auxquelles elle sera contrainte. Cette fondation est généralement constituée de grave non traitée (GNT), sur 20 à 50 cm.
Installation du lit de pose, tiré à la règle, qui va permettre de maintenir les éléments modulaires en place. Des matériaux siliceux ou silico-calcaires pour cette couche permettent une résistance plus durable.
Pose des pavés : elle peut être manuelle ou mécanisée. Pour une pose mécanisée, il est nécessaire de pré-compacter préalablement le lit de pose afin de prévenir la formation d'ornières dues au déplacement des engins de chantier. Les pavés à joints poreux peuvent être munis d’écarteurs pour assurer la régularité de la taille de l’ajour lors de la pose, comme ici :
Pour les pavés dont les joints sont végétalisés, des semis, des plantations et éventuellement un arrosage doivent être effectués. Il faut donc réfléchir la période de la mise en œuvre en adéquation avec les conditions météorologiques et la saison.
Pour connaître plus précisément les étapes de mise en œuvre, il convient de se référer aux instructions fournies par les fabricants.
Entretien
Plusieurs gestes d’entretiens sont nécessaires à différentes fréquences :
Un balayage / nettoyage au besoin, 1 à plusieurs fois par an. Pour les pavés à joints perméables, il est préférable d’éviter un nettoyeur à eau à haute pression qui risquerait d’endommager le joint.
Un garnissage / rebouchage des joints 1 fois par an ou moins
Une pression / aspiration tous les 10 ans contre le colmatage (bouchage des pores qui réduit peu à peu la perméabilité du revêtement).
De mauvaises conditions de pose peuvent entraîner des dégradations précoces : les pavés peuvent se dissocier avec le passage de voitures par exemple.
Néanmoins, les pavés présentent l’avantage d’avoir une bonne réparabilité puisqu’ils sont facilement remplaçables à l’unité du fait de leur modularité. Cette modularité permet également un accès plus facile aux réseaux souterrains grâce à la possibilité de démonter et replacer les pavés.
La végétation peut se développer dans les joints des pavés même lorsqu’aucun semis n’a été effectué. Il est préférable que cela soit accepté dès le départ par le maître d'ouvrage et les futurs utilisateurs afin de ne pas compliquer l’entretien par un désherbage trop fréquent.
Expérimentation de la solution
La requalification du centre-ville du Pré-Saint-Gervais
En 2024, nous avons interrogé Fabrizio Calosci, Responsable aménagements urbains et paysagers chez AREP. Filiale de SNCF Gares & Connexions, cette agence pluridisciplinaire conçoit des projets d’aménagement pour les collectivités. Elle est maître d’œuvre du réaménagement des espaces publics du centre-ville pour la commune du Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis), où une attention particulière a été portée à la gestion des eaux pluviales.
Des choix de revêtements pour participer à l’adaptation du centre-ville au changement climatique
La ville du Pré-Saint-Gervais a initié un projet de requalification des espaces publics de son centre-ville, confié à l’AREP. Couvert jusque-là à 80% par de l’enrobé, ces espaces étaient dominés par le minéral, avec une faible proportion d’espaces verts et une place importante dédiée à la voiture.
La quasi-totalité des revêtements a été décroutée, et les nouveaux revêtements ont été choisis pour améliorer cinq enjeux définis par l'AREP :
L'albédo
Le coefficient de biotope par surface (CBS)
Le coefficient de ruissellement
Le pourcentage de surfaces perméables
Le pourcentage de surfaces ombrées
Un calcul de l'empreinte carbone de chaque matériau a été effectué, afin d'optimiser le projet de ce point de vue.
Différents revêtements choisis en fonction des différents espaces
On retrouvera désormais dans le centre-ville :
Sur les espaces type place piétonne, des pavés Napoléon issus du réemploi, fourni et stocké directement par la ville.
Ces matériaux en pierres naturelles ont des caractéristiques mécaniques compatibles avec la réutilisation en chaussée et ne nécessitent pas systématiquement des tests d’aptitude, notamment s'ils sont réutilisés pour des surfaces piétonnes. Les joints des pavés sont en mortier ou engazonnés selon la fréquentation du lieu où ils ont été posés :
Au pied des arceaux des stationnements vélo, les pavés sont perméables, avec des joints engazonnés
Pour la place du marché, les pavés sont imperméables, avec des joints en mortier
Dans les zones très fréquentées, les joints engazonnés demandent en effet un entretien assez complexe pour la ville du fait du piétinement, des déchets et du salage l'hiver qui risquent d'endommager le gazon.
Sur les places de stationnement des voitures, des dalles alvéolaires perméables en béton bas carbone à base d’argile
Elles seront engazonnées dans les zones proches des espaces verts et gravillonnées dans les zones très fréquentées. L'AREP a privilégié cette chaussée végétale au mélange terre pierre pour éviter le risque de former de la boue. Le semis végétal naturel doit permettre une bonne pérennité dans le temps, avec une évolution esthétique au gré des saisons. Pour en savoir plus sur l’installation de revêtements alvéolaires,
Les pavés en béton perméable coûtent de 20 € à 60 € TTC / m2
Les pavés en béton classique à joints élargis coûtent de 25 € à 60 € TTC / m2
Les pavés en pierre naturelle avec joints larges sont plus onéreux : de 50 € à 160 € TTC / m2
Des économies permises par l'infiltration des eaux pluviales
Les revêtements perméables peuvent permettre une gestion alternative des eaux de pluie, en se passant d'un raccordement au réseau d’assainissement. Les économies réalisées (absence de connexion, d'avaloir…) rendent les solutions infiltrantes intéressantes financièrement.
Différents principes sont à respecter pour éviter des dégradations précoces des pavés :
La pose doit s’effectuer du point le plus bas vers le point le plus haut
L’orientation des pavés doit être perpendiculaire au sens de circulation du trafic
Les joints sont à remplir avec un matériau dépourvu d’éléments fins pour éviter le colmatage
Durant le chantier, il faut éviter que la future surface des revêtements perméables soit empruntée par du trafic lourd, ce qui aurait pour effet de compacter le sol et d'en diminuer la perméabilité.
Choisir une terre et des espèces adaptés pour la végétalisation des joints
Si les joints des pavés sont végétalisés, il est nécessaire que la terre qui les compose ne devienne pas trop compacte. Il faut donc privilégier une terre qui ne soit pas trop argileuse notamment.
Le choix des végétaux doit respecter plusieurs critères :
ils doivent bien se propager et présenter un rendu dense
ils doivent avoir des racines fines pour éviter d’endommager la structure
ils doivent être adaptés aux conditions climatiques locales et au faible volume de substrat disponible
Souvent, le choix se porte sur des graminées, qui donnent un rendu qualitatif et sont faciles à entretenir.
Les mélanges de semences de gazons adaptés aux conditions extrêmes
Le thym serpolet et le thym rampant, qui résistent très bien aux substrats secs et peu riches
L’orpin âcre
La sagine subulée, le muguet du japon et la menthe corse, adaptées aux allées de jardin
L’hexine ou l’isotome des marais, adaptées aux zones d’ombre
Les mousses pour des conditions plus humides
S’intégrer dans le contexte de gestion des eaux pluviales
Un revêtement perméable s’inscrit dans le cadre de la gestion des eaux pluviales ; il est donc nécessaire de prendre en compte les exigences et prescriptions requises applicables sur le site (SDAGE, PLU, zonage pluvial…).
Le choix de revêtement de sol perméable n’est cependant pas suffisant pour gérer les eaux pluviales en milieu urbain en cas d’épisode orageux exceptionnel. La mise en place de réseaux de noues (fossés plantés) et autres bassins d’orage permet une meilleure gestion et rétention globale des eaux pluviales.
Concrètement, recourir à un revêtement perméable est particulièrement intéressant si cela permet de se passer d’un avaloir pour évacuer le surplus des eaux pluviales. Dans le cas d’un parking où l’intégralité de l’eau de pluie ruisselle vers des espaces verts (noues, jardins de pluies…), ils ne sont pas nécessaires, mais ce cas reste assez rare. A noter que si le sol est peu perméable (avec un coefficient K inférieur à 10-5 m/s), il peut être nécessaire de coupler l’infiltration avec une solution complémentaire (structure réservoir, un drain, noue…).
Prendre en compte le contexte géotechnique et hydrologique
Une étude de dimensionnement hydraulique, à partir des précipitations attendues et des caractéristiques des surfaces, et une analyse de la perméabilité du sol permettent d’aiguiller le choix du revêtement et des fondations.
Le sous-sol peut représenter une contre-indication à un revêtement perméable de voirie, si le sol n’est pas propice à la présence d’eau, ou si une nappe souterraine pour captage d’eau potable se situe sous la surface d’infiltration. De ce cas, il est nécessaire d’étanchéifier l’aménagement, ce qui complexifie la mise en œuvre. Attention également à la présence éventuelle de réseaux souterrains.