Aménager des cours d’eau artificiels dans les espaces verts : l’exemple du Bois de Vincennes

Certaines collectivités travaillent sur l’aménagement de cours d’eau artificiels dans leurs espaces publics de nature, tels que les parcs ou les bois, pour enrichir l’expérience du public, favoriser la biodiversité et rafraîchir encore un peu plus les espaces verts. Néanmoins, cette solution s’envisage dans des contextes spécifiques, car il est généralement préférable de rouvrir ou renaturer des cours d’eau existants, en travaillant avec les autorités en charge de la GEMAPI.


Enjeux d'adaptation

Créer des promenades fraîches et favoriser la biodiversité

Les cours d’eau dans les espaces verts permettent de créer des promenades fraîches dédiées aux circulations douces. Ils répondent par ailleurs à plusieurs enjeux :

  • Economiques et d’usages : leur aménagement peut servir à mieux fédérer les espaces et à répartir la fréquentation en invitant le public à se rendre dans certains lieux. Ils peuvent également être un support de sensibilisation à l’importance de la protection des milieux humides.
  • Environnemental : ce sont des milieux qui vont permettre la rencontre entre la trame verte et la trame bleue et l’amélioration des continuités écologiques. Ils offrent une diversité d’habitats, accueillant une biodiversité riche.
  • Paysager et patrimonial : ils peuvent servir d’armature paysagère à la promenade, mettre en valeur des points de vue et des éléments singuliers comme des cascades ou pontons.  
Points forts

Un espace naturel agréable pour les usagers et intéressant pour la biodiversité

  • Création de nouveaux espaces végétalisés
  • Développement d’une biodiversité de milieu humide
  • Facilitation des circulations cyclables et piétonnes
  • Mise en valeur de sites paysagers 
un chemin le long d'une rivière avec un vélo et un promeneur
Promenade le long de la rivière Avenue des Minimes - © Agence Parisienne du Climat
rivière avec lentilles d'eau et végétation automnale
© Agence Parisienne du Climat
Description de la solution
Domaines d'application : Espace Public / Espaces verts

Les rivières dans les espaces verts, une solution pour la fraîcheur et la biodiversité

Les espaces verts en milieu urbain sont des milieux précieux, tant pour la santé et le bien-être des citoyen·nes que pour la préservation de la biodiversité. Ces espaces attractifs toute l’année pour les familles et sportif·ves le deviennent d’autant plus lors des vagues de chaleur qui rendent les milieux minéraux difficilement supportables. Pour renforcer l’attractivité de ces lieux et leur rôle d’îlot de fraîcheur en été, la collectivité peut y aménager une trame d’eau : mares, étangs, lacs, rivières.

La création d’une rivière demande une disponibilité foncière, mais elle offre certains avantages que les plans d’eau n’ont pas : son côté linéaire est l’occasion d’aménager des promenades fraîches et apaisées, la biodiversité qui s’y développe est plus diversifiée que celle d’un lac, et elle peut connecter différents écosystèmes.

Une gestion de l’eau qui doit être responsable et économe

La création d’un réseau de rivière pose des questions de topographie, d’étanchéité, de paysage, d’animation et d’entretien. Elle nécessite aussi un certain budget. Surtout, créer une rivière qui n’existait pas auparavant demande la mise en place d’une alimentation en eau suffisante.

Utilisation des réseaux existants


A Paris, un réseau d’eau non potable existant depuis le XIXe siècle permet d’alimenter la trame d’eau des parcs, jardins et bois de la ville depuis le Canal de l’Ourcq. Il est donc aussi utilisé pour l’alimentation des nouveaux cours d’eau, dont les aménagements se font dans une logique de restauration voire d’extension d’une trame historique qui a été abimée, coupée ou réduite à certains endroits.

Prélèvement d’eau potable


Prélever de l’eau potable pour aménager des rivières dans des espaces verts urbains est également possible, mais cela parait moins pertinent dans une démarche de gestion durable et responsable de cette ressource indispensable qui tend à se raréfier.

Gestion intégrée des eaux pluviales


Pour ne pas surcharger encore les réseaux d’assainissement, il convient de privilégier une infiltration à la parcelle de l’eau de la rivière plutôt qu’un rejet à l’égout, en faisant terminer son parcours dans un lac ou dans une mare d’infiltration par exemple.

Ci-dessous, nous présentons deux exemples d’aménagement de cours d’eau artificiels dans le Bois de Vincennes à Paris.  

Expérimentation de la solution

Les rivières du Bois de Vincennes

En septembre 2023, nous avons échangé avec Eric Lamelot, Chef de la Division du Bois de Vincennes à la Ville de Paris qui a travaillé sur l’aménagement de nouveaux cours d’eau. 

La création du réseau d’eau pour embellir le bois dès le XIXe siècle


Au XIXe siècle, les travaux de transformation de Paris par Haussmann incluent également le projet d’embellissement du bois de Vincennes, confié à Adolphe Alphand. L’objectif est de fournir aux populations ouvrières de l’Est parisien un véritable lieu de promenade, équivalent à celui dont bénéficient les quartiers riches de l’Ouest avec le Bois de Boulogne.

Parmi les aménagements effectués, l’eau occupe une place importante et devient un fil conducteur des promenades. Le Bois reposant sur un plateau sablonneux et perméable, il est à l’origine dépourvu d’eau en surface. Le réseau enterré d’eau non potable de la Ville de Paris est donc étendu pour acheminer l’eau depuis la Marne (désormais depuis le Canal de l’Ourcq), quatre lacs sont creusés, et un maillage de rivières est créé.

La trame d’eau dans le Bois de Vincennes aujourd’hui


La trame d’eau de surface se compose aujourd’hui de 9,5 km de rivières, reliant les 4 principales pièces d’eau d’une superficie de 24 ha (soit 2,5% du Bois). Elle est toujours alimentée en majeure partie par les réseaux enterrés d’eau non potable, puisque l’apport en eaux pluviales est minime. L’eau est délivrée à plusieurs points d'entrée par Eau de Paris et est gérée par la Direction des Espaces Verts et de l’Environnement (DEVE) de la Ville de Paris.

Les projets de restauration et d’extension des rivières par la Ville


Des séquences entières des rivières aménagées aux XIXe siècle ont aujourd’hui disparu, notamment à cause de la création du Parc floral et de l’Hippodrome. Deux projets de restauration ou extension des rivières du Bois ont émergé au cours des 10 dernières années :

   1. 1 200 m de rivière Avenue des Minimes

Suite à une étude de l’APUR de 2013, la Ville de Paris a lancé un projet de requalification de l’Avenue des Minimes, dans la partie nord du Bois, comprenant l’aménagement d’une rivière. Fermée aux voitures depuis 1999, cette voie est depuis très empruntée par les cyclistes et autres circulations douces. Après avoir acté qu’elle ne serait jamais réouverte à la voiture, sa configuration a été complètement revue :
  • 3 500 m2 ont été désimperméabilisés, dont 1 400 m2 transformés en stabilisé et 2 100 m2 végétalisés
  • une rivière de 1 200 m de long a été recréée, accompagnée d’un cheminement léger sur 700 m.

Historiquement, une rivière avait déjà été creusée par Alphand entre le lac des Minimes et le sud-ouest du Fort de Vincennes, puis avait en partie disparue dans les années 1960 avec la création du Parc floral. La rivière aménagée en 2019 s’inspire donc de ce tracé historique, et vient se reconnecter au bras de la rivière subsistant depuis Lac des Minimes. Elle termine sa course dans un réseau canalisé qui se raccorde à la rivière Carnot et qui alimente le lac de Saint-Mandé, évitant le rejet à l’égout.  

carte du Nord du Bois de Vincennes où est localisé le tracé du projet de rivière le long de l'avenue des Minimes en rouge
Linéaire de la nouvelle rivière avenue des Minimes - © Ville de Paris

L’implantation de la rivière a été optimisé pour limiter le nombre de coupe d’arbres, 9 abattages ont néanmoins été nécessaires.
Des biefs maçonnés entre deux chutes d’eau viennent créer un aspect pittoresque, et des enrochements viennent habiller l’exutoire. 


   2. 870 m de rivière dans la plaine de Mortemart

En 2020, pour remettre en valeur les sites et paysages du Bois, conformément à la Charte d’Aménagement Durable des Bois, à une nouvelle étude de l’APUR (Paris Projet n°45, 2020) et aux études de la Direction de l’Environnement et des Espaces Verts, la Ville de Paris a lancé le projet d’aménagement d'un espace paysager multisport dans la plaine de Mortemart. Cette clairière de 15 ha est constituée de boisements et de terrains de sport sur pelouse en accès libre à l’est du Bois. Une rivière depuis disparue y avait été réalisée par Alphand, et le projet comprend sa reconstitution, dans l’esprit de la composition historique.

photo aérienne de l'est du bois de vincennes où est localisé en rouge la plaine de mortemart
Photo aérienne de la plaine de Mortemart en août 2021 - © Ville de Paris

Accompagnée d’un chemin en stabilisé, cet aménagement répond à deux enjeux :
 
  • La connexion entre les promenades qui aboutissent à la plaine, pour finaliser la couture du réseau de circulation piétonne entre la partie centrale du Bois et sa partie Est.
  • La connexion entre le réservoir de biodiversité principal que représente le Bois de Vincennes et le corridor interrégional principal qu’est la Marne, grâce à la restitution de ce maillon du réseau hydraulique qui permettra de renforcer les habitats de cette zone, classée en ZNIEFF de type 2, et donc les capacités de migration des espèces végétales et animales.

Ce deuxième projet a demandé des arbitrages en termes d’usage car il nécessite de supprimer une partie des terrains de sport pour créer de la disponibilité foncière pour la rivière. Les travaux se feront donc après les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

Deux bras de rivière depuis la rivière de Joinville vont être créés, courant sur 870 m au total, sur 3 m de large en moyenne. Ils rejoindront chacun une mare d’infiltration, totalisant près de 4 000 m2 de plans d’eau, dans l’idée d’une logique globale de trame d’eau et de création de milieux humides. Ces mares d’infiltration évitent également le rejet à l’égout.

Dix franchissements permettront la circulation sur l’ensemble de la plaine, par des buses enterrées et cachées par des enrochements. Des enrochements en pierres naturelles constitueront également les biefs entre les chutes d’eau, accompagnés d’une plus forte densité de plantation pour les insérer dans le nouveau paysage. 

photo d'un bief : petite cascade faites de pierres entre deux portions de rivière pour amener du courant, avec une végétation sur les bords
Exemple de bief en pierres naturelles d’une rivière au Bois de Vincennes - © Ville de Paris

Un cheminement en grave calcaire accompagnera les deux bras sur 1 240 m de long au total, dans la continuité des chemins existants. Trois perspectives seront ouvertes progressivement pour rétablir des connexions visuelles avec les espaces limitrophes (dont l’école Du Breuil) et des points de vue seront valorisés le long de la nouvelle promenade.

Certains terrains de jeu seront transformés en prairies, semées à faible densité pour permettre l’enrichissement spontané et adapté des espèces indigènes. Environ 250 arbres et 750 plants forestiers seront plantés dans ces nouvelles prairies, et certaines zones sensibles seront clôturées pour les protéger du piétinement et permettre leur libre expression.

Entre la création de prairies et de plans d’eau, ce nouvel aménagement permettra la renaturation de 36 600 m2 au total.

La gestion des nouvelles rivières


Les lits des rivières de ces deux projets reposent sur une natte géotextile. Etant alimentées artificiellement par le réseau d’eau non potable, il n’existe pas de risque inondation, puisque le débit est choisi et adapté en fonction des précipitations, qui ne représentent qu’un apport en eau marginal.

Dans les nouvelles rivières, rien n’est planté, la Direction de l’Environnement et des Espaces Verts laisse la faune et la flore se développer naturellement au fur et à mesure

Cela nécessite une certaine patience, mais permet d'avoir une implantation de végétaux locaux et adaptés, et donc un écosystème stable sans problématique d’espèces invasives.

L’entretien des rivières est également assuré régulièrement par la Direction de l’Environnement et des Espaces Verts, qui garde les mêmes méthodes que pour le reste des cours d’eau du bois, pour conserver un écoulement correct et une eau de qualité : réfection de l’étanchéité et curage des rivières et des plans d’eau notamment.

Retours utilisateurs-rices

Les rivières et plans d'eau plébiscitées par les usagers

En 2019, la DEVE et l’APUR ont réalisé une enquête sur les comportements et les attentes des visiteur.euses des deux bois parisiens. 

Dans le Bois de Vincennes, la présence de l’eau est très plébiscitée par les 11 millions de visiteurs annuels : 57% d’entre eux se rendent au bord de l’eau lorsqu’ils visitent le Bois.
 
Les activités liées à l’eau contribuent à l'attractivité du Bois : pique-nique, balade et détente au bord de l’eau, observation de la faune, promenade en bateau, pêche, événements culturels.  

Co-bénéfices

Co-bénéfices environnementaux :

  • Biodiversité 
  • Mobilités douces
  • Accès à la nature en ville

Co-bénéfices autres :

  • Création d’espaces de sociabilisation et de détente 
Coûts

Combien coûte la réouverture d’un cours d’eau ?

Les coûts de la création de rivières artificielles peuvent varier car ils dépendent en partie des aménagements réalisés autour : cheminement, végétation, réseaux souterrains, franchissements, etc.

Le projet de l’avenue des Minimes a coûté 1,2 millions d’euros et celui de la plaine de Mortemart 1,5 millions d’euros. Ils ont tous les deux été financés à 100% par la Ville de Paris, qui était maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre à travers la Direction des Espaces Verts et de l’Environnement. 

Complexité et contexte de mise en oeuvre

Trouver le foncier disponible

La rivière est un objet qui n’est pas facile à implanter en ville dense, car il faut lui trouver une disponibilité foncière sur un tracé linéaire. Même dans des espaces sans habitations comme dans des bois ou parcs, les surfaces sont rarement vierges, avec la présence d’arbres, de terrains de sport, de chaussées. 

Si les difficultés foncières sont trop grandes, il peut être plus facile d’aménager plutôt une ou plusieurs mares, qui peuvent également être très intéressantes en termes de biodiversité et de gestion des eaux pluviales.

Trouver la ressource en eau

Les projets de création de rivières artificielles posent la question de la ressource en eau, en termes de quantité et de qualité. L’eau doit être prélevée quelque part, et les réseaux d’eau non potable comme à Paris ne sont pas fréquents. Elle doit également être renouvelée fréquemment pour éviter son échauffement qui est préjudiciable à la biodiversité. Il faut donc être vigilent sur le risque de sécheresse qui pourrait exister sur le territoire avant de mettre en place de genre de projet.
 
De manière générale, il est préférable de travailler sur la réouverture et renaturation des cours d’eau existants en faisant appel à l’autorité locale en charge de la compétence GEMAPI (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) - voir notre fiche sur le sujet.

Prestataire(s)

Site(s) pilote(s)

  • Bois de Vincennes
    Plaine de Mortemart, 75012 Paris
    Voir la carte
  • Bois de Vincennes
    Avenue des Minimes, 75012 Paris
    Voir la carte

Contact(s)

Eric LAMELOT
Chef de la Division du Bois de Vincennes
Ville de Paris
Envoyer un e-mail

Ressources complémentaires


Exporter la fiche solution en pdf

Solutions similaires