RGA : Enjeux, impacts, solutions… Ce qu’il faut savoir
Le retrait-gonflement des argiles, ou RGA, est un phénomène géotechnique encore méconnu mais qui menace des millions de logements en France. Il peut provoquer des dommages structurels importants sur les bâtiments, en particulier les maisons individuelles. Aggravé par le changement climatique, ce risque représente un enjeu économique, technique et territorial majeur. Il est ainsi essentiel de comprendre les causes, les impacts et les solutions qui existent pour adapter notre patrimoine.
[Article publié le 19 novembre 2025]
Comprendre le phénomène
Le RGA, qu’est-ce que c’est ?
Le retrait-gonflement des argiles, ou RGA, est un phénomène géotechnique naturel qui touche les sols argileux en profondeur. Les argiles ont la particularité de posséder une plasticité naturelle : leur structure minérale engendre une modification de leur volume et de leur consistance selon la teneur en eau du sol.
Le RGA désigne le mouvement du sol lorsqu’il est confronté à des états hydriques différents :
Lorsqu’un sol est sec, les argiles se rétractent et deviennent cassantes. C'est le retrait ;
Lorsqu’ils se réhydratent, les argiles gonflent. C'est le gonflement.
Ces variations, même si elles sont lentes, peuvent provoquer des mouvements différentiels du sol et causer des fissures, des déformations, voire des dommages structurels importants sur les bâtiments et les infrastructures.
D'après Géorisques, différents facteurs comme la proportion d’argiles dans le sol, la profondeur et l’épaisseur des couches argileuses renforcent l’exposition.
De plus, la nature minéralogique de l’argile joue un rôle majeur : la smectite, la vermiculite et la montmorillonite possèdent un potentiel de déformation élevé qui rend certaines argiles plus sensibles au retrait-gonflement.
Enfin, le contexte hydrogéologique du sol, comme la présence d’une nappe phréatique ou de circulations d’eaux souterraines à faible profondeur peut également participer aux variations du taux d’humidité.
Quel risque dans la Métropole du Grand Paris ?
Dans la Métropole du Grand Paris, le retrait-gonflement des argiles est principalement constaté lors de périodes de sécheresse :on parle ainsi davantage de retrait.
D’après son diagnostic de vulnérabilité, 92 % de son territoire – hors Paris – est exposé au phénomène de RGA, dont 89,4 % se trouve en zone d’exposition moyenne à forte (Plan Climat-Air-Énergie Métropolitain, page 169).
Près de 540 arrêtés CatNat ont été prescrits entre 1989 et 2022 sur le territoire métropolitain, ce qui représente 22% des arrêtés franciliens sur la période.
Répartition des zones métropolitaines exposées au RGA – Plan Climat Air Energie de la Métropole du Grand Paris
Les maisons individuelles de plain-pied sont particulièrement sensibles. On estime que 350 000 maisons sont exposées à ce phénomène. Il apparaît ainsi comme primordial d’adapter les fondations au RGA lors de nouvelles constructions et de prévenir au maximum les impacts du phénomène en mettant en œuvre des solutions de prévention des dommages sur son terrain.
Les facteurs déclencheurs des variations d’humidité
L’amplitude des mouvements des argiles dépend de la variation du taux d’humidité dans le sol. Ainsi, des conditions climatiques exceptionnelles, entraînant une succession de périodes de sécheresses et de pluies importantes, constituent le principal facteur du RGA.
Toutefois, les épisodes de sécheresse peuvent à elles seules engendrer un assèchement important du sol (forte évapotranspiration) et provoquer un retrait des argiles important.
En parallèle, certains travaux d'aménagement effectués sur la parcelle, après la construction de la maison, peuvent fragiliser la stabilité hygrométrique du sol. Par exemple, la plantation d’une végétation arbustive ou encore la création d’une extension (imperméabilisation) peut bouleverser l’équilibre du sol.
Un phénomène amplifié par le changement climatique
Le changement climatique augmente fortement le risque de RGA. En effet, ce phénomène étant directement causé par des variations du taux d’humidité dans le sol, l’intensification et la multiplication des périodes de sécheresse en France accentuent le RGA. Ce phénomène impacte généralement les deux premiers mètres du sol, mais en cas de sécheresse intense et prolongée, il peut atteindre jusqu’à cinq mètres de profondeur.
Quels impacts ?
Quels risques pour nos bâtiments ?
Le RGA provoque des dommages qui vont de l’impact esthétique sur le bâti à des désordres structurels qui peuvent menacer la stabilité de la maison. Parmi eux :
Des fissures sur les murs intérieurs et extérieurs ;
Des déformations des cadres de portes et de fenêtres ;
L’affaissement de dalles ;
L’instabilité des fondations ;
La cassure ou l’endommagement des canalisations.
Au-delà des coûts importants de réparation, ces dommages peuvent rendre la maison temporairement inhabitable.
Les conditions de vulnérabilité au RGA
Les bâtiments ne sont pas égaux face aux risques de fissures : les immeubles aux fondations profondes sont généralement épargnés, alors que les maisons individuelles de plain-pied, qui possèdent des fondations superficielles et une structure légère et peu rigide, sont particulièrement sensibles aux mouvements de terrain.
Souvent construites sans études géotechniques, elles sont conçues sans prise en compte du risque RGA. Les maisons situées sur des terrains en pente sont vulnérables, elles aussi, car leurs fondations sont ancrées à des profondeurs variables.
Quels risques pour les infrastructures ?
Le RGA ne touche pas seulement les habitations, il peut aussi impacter les infrastructures telles que les routes et les réseaux enterrés :
Concernant les routes, le RGA se présente généralement sous la forme de fissures longitudinales et de déformations de la chaussée qui peuvent entraîner des conséquences sur la bonne circulation et la sécurité des usagers.
Le mouvement du sol peut également affecter les réseaux enterrés en créant des ruptures, des désalignements ou encore des fuites.
Un risque qui coûte de plus en plus cher
Ces dernières années, la sinistralité du RGA est devenue de plus en plus importante, et le RGA représente aujourd’hui l’un des risques naturels les plus coûteux en France, avec les inondations.
En 2022, le phénomène a coûté près de 3,5 milliards d’euros à l'échelle nationale, ce qui en fait le sinistre le plus important en France.
D’après Géorisques, la sécheresse représente, depuis 2016, 60% de la sinistralité CatNat, contre 37% sur la période 1989-2015. Avec le changement climatique, ces coûts vont continuer à augmenter et pourraient tripler d’ici 2050 (France Assureurs).
Par ailleurs, l'estimation du coût moyen des sinistres s’élève à 16 500 € sur une maison individuelle, d'après Géorisques. Bien qu’ils puissent être indemnisés dans le cadre d’une sécheresse, les travaux de réparation peuvent toutefois se retrouver à la charge des propriétaires.
Que faire face au RGA ?
S’informer pour mieux anticiper
La première étape est de s’informer sur son exposition au RGA. Pour ce faire, vous pouvez dans un premier temps consulter les cartes d’exposition du BRGM, puis faire réaliser une étude de sol de votre propriété par des experts en géotechnique.
Depuis 2018, la Loi ELAN rend obligatoire la réalisation d’études géotechniques pour la vente d’un terrain situé en zone exposée au RGA.
Les communes peuvent également jouer un rôle important dans l’information et la sensibilisation des habitantes et habitants au phénomène de RGA. Une bonne communication est essentielle pour améliorer la connaissance du phénomène, tant auprès du grand public que des professionnels, afin de favoriser une prévention effective des dommages (réunions publiques, documentations…).
Des ressources utiles existent pour se renseigner sur les risques de RGA :
La mise en place d’un pourtour étanche autour du bâti (trottoir, géomembrane) ;
La mise en place d’un drainage efficace des eaux pluviales ;
L’éloignement des arbres, dont les racines pompent l’eau du sol notamment en été ;
La vérification de la bonne étanchéité des canalisations enterrées ;
Éviter la présence de sources de chaleur en sous-sol, comme les chaudières.
Ces solutions sont parmi les plus accessibles pour réduire le risque de dommages sur le bâti, et limiter les désordres structurels dès l’apparition des premiers signes de fissuration.
Toutefois, dans un contexte de multiplication et d’intensification des périodes de sécheresse amplifiant le risque de RGA pour les territoires situés en zones argileuses, de bonnes pratiques doivent être adoptées pour concilier la végétalisation des villes et le phénomène de RGA.
En effet, la végétation représente un facteur aggravant du RGA lorsqu’elle se trouve à proximité du bâti : les arbres et arbustes, par l’action de leurs racines pompant l’eau en profondeur, provoquent un assèchement localisé du sol autour des fondations qui accentue le phénomène de retrait des argiles.
Il est ainsi nécessaire de prévenir ce risque en éloignant la végétationarbustive de sa maison lorsque cela est possible, ou de mettre en place des dispositifs tels qu’un écran anti-racinaire autour des fondations pour limiter l’expansion des racines.
Face à la forte sinistralité liée au RGA et à la faible maturité des solutions de remédiation, notamment en phase de prévention, un appel à projet France 2030 a été lancé pour tester des solutions « verticales » et « horizontales » en situation réelle.
Parmi les projets retenus : l’Initiative Sécheresse, lancée en 2022 par la Caisse Centrale de Réassurance, France Assureurs et la Mission Risques Naturels, qui vise à constituer une base de données partagée et commune entre les acteurs de l’assurance.
L’objectif est de mesurer l’efficacité de différentes techniques de prévention et de réparation sur les maisons individuelles. Le projet est prévu sur 5 ans et est déployé sur 300 maisons :
100 maisons sont équipées de solutions de prévention (horizontales) ;
200 maisons déjà sinistrées seront suivies pour analyser l’évolution des solutions de réparation (verticales).
Différentes techniques sont testées telles que :
La réhydratation des sols par injection d’eau à proximité des fondations (projet MACH+ du Cerema) ;
L’étanchéification du pourtour de la maison (géomembrane, écran anti-racines, drainage) ;
Le traitement des sols avec des injections de solutions stabilisantes (injection de résine, de lait de chaux…) ;
La reprise en sous-œuvre (installation de micropieux…).
Cette expérimentation, effectuée à l’échelle nationale, permettra d’identifier les solutions les plus efficaces afin de les généraliser sur tout le territoire.
Assurances et régime CatNat : ce qu’il faut savoir
Dans le cadre du constat de premières fissures, une déclaration de dommages aux assurances et auprès de sa mairie doit être effectuée afin de pouvoir bénéficier d’une indemnisation CatNat.
Le régime CatNat (Catastrophe Naturelle) est un système assurantiel, géré par la Caisse Centrale de Réassurance (CCR), qui permet aux particuliers, aux entreprises et aux collectivités d’être indemnisés en cas de dommages causés par une catastrophe naturelle (inondations, sécheresses, mouvements de terrain, séismes, cyclones, etc.).
Pour obtenir une reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, les communes doivent déposer leur demande auprès du préfet de département dans un délai de 24 mois après la survenue du phénomène.
Cette demande sera ensuite instruite par les services déconcentrés compétents puis transmise au ministère de l’Intérieur. En cas de déclaration d’état de catastrophe naturelle sur la commune, un arrêté interministériel est publié au Journal officiel.
Attention : Le retrait-gonflement des argiles est indemnisé par le régime CatNat uniquement si un arrêté officiel est publié par l’État pour la commune et la période concernée.
Cela signifie que :
Toutes les sécheresses ne donnent pas lieu à une reconnaissance CatNat ;
Les fissures doivent être en lien direct avec l’événement reconnu ;
Si la commune n’est pas reconnue CatNat, les dégâts ne sont pas indemnisés.
À noter que :
La publication d’un arrêté CatNat peut prendre plusieurs années ;
Si le coût des travaux estimés excède la valeur du bien, ils ne pourront pas être pris en charge par les assurances, et la démolition sera privilégiée ;
Si des fuites des canalisations et évacuations d’eau sont à l’origine du gonflement, les fissures ne seront pas indemnisées dans le cadre du RGA. Il convient donc de vérifier régulièrement leur état.
Les travaux de réparation peuvent être lourds et coûteux, notamment si les indemnisations n’ont pas été ou n’ont pas encore été obtenues. En zone à risque, il est donc préférable d’anticiper, afin de réduire le risque pour sa maison.