Les expérimentations de « rues couvertes » au Parc des Portes de Paris par ICADE

En 2019, le groupe immobilier ICADE lançait un appel à projets afin de créer un parcours piéton couvert d'un kilomètre de long au Parc des Portes de Paris. L'initiative s'inscrit dans une démarche globale d'expérimentation de la ville durable menée par l'entreprise sur ce terrain.

Le Parc des Portes, terrain de jeu pour l'innovation


A Aubervilliers, dans le Nord de Paris, se situe le Parc des Portes, une emprise foncière de 65 hectares dont le groupe immobilier ICADE est propriétaire et gestionnaire. Anciennement filiale de la Caisse des dépôts, ICADE pousse aujourd’hui ses investissements dans la direction de l’innovation et de la transition écologique notamment autour des thématiques de l’eau, de l’énergie et de la biodiversité.  

Sur le site du Parc des Portes, où ICADE bénéficie du contrôle total du foncier, des expérimentations à l’échelle du quartier pour identifier des pistes menant à la ville de demain sont menées. ICADE y réalise des projets pilotes à échelle réelle pour développer ce qui aujourd’hui est un pôle d’activité tertiaire accueillant sièges sociaux, PME, start-up, studios, services, etc.

Cette situation assez unique fait du Parc des Portes un potentiel laboratoire pour développer et tester des solutions qui pourraient répondre aux exigences du changement climatique en ville. 

Des expérimentations pour l'adaptation


C’est dans cette démarche que la société a créé sur son territoire une ferme aquaponique et a mis en place une solution proposée par le porteur de projet Vertuo, qui a développé un système de récupération des eaux pluviales enterré (bocage urbain) ou hors-sol. Pour ce qui est de la préservation de la biodiversité et du confort thermique des usagers, le Parc des Portes accueille une forêt urbaine de 1,5 ha au cœur de son territoire. Mais ce dernier enjeu est avant tout l’objet du développement de prototypes de rues couvertes censées répondre aux problématiques d’adaptation et d’usages repensés de l’espace public.



Comment allier adaptation à la chaleur et promotion des mobilités douces dans l’aménagement de l’espace public ?


Rues couvertes 


En 2019 le groupe a lancé un appel à projets pour se voir proposer des innovations de rues couvertes offrant des fonctions qui dépassent la stricte couverture de la voirie. Avec pour mission de promouvoir les mobilités douces sur le territoire, six cabinets d’architectes ont participé et deux projets gagnants se sont vus accorder la possibilité d’être réalisés grandeur nature sur le Parc de Portes de Paris, sous la forme de prototypes : le projet Cellules Urbaines de Pseudonyme Architecture et le projet Chaume Urbain de MoonWalk Local. A la suite de cette phase de test, c’est un kilomètre de voirie qui sera couvert, sur deux artères parcourant le Parc et reliant les arrêts de métro aux lieux de travail. 

Les propositions de rues couvertes devaient répondre à divers enjeux qu’ICADE a synthétisé en trois objectifs : 

  • Abriter des intempéries et du soleil. 
  • Dynamiser en créant des espaces de vie grâce à des services de restauration, du mobilier urbain et des manifestations artistiques. 
  • Produire des ressources (énergie, récupération des eaux pluviales, végétalisation, etc.). 

Ainsi, le projet avait pour but de donner l’opportunité aux répondants de donner une vision de la ville de demain, plus en phase avec l’environnement et ouverte à de nouveaux usages.


Une démarche de développement à l’échelle du territoire 


L’appel à candidature s’inscrit dans le cadre d’un programme de développement au nord de Paris qui prend la forme d’un Contrat de Développement Territorial 2014 – 2030 (CDT). Ce contrat, signé entre le Grand Paris et l’Etablissement Public Territorial Plaine Commune (regroupant 9 communes dont Aubervilliers), a pour but de développer la mobilité, le logement et l’emploi sur le territoire dans une logique de développement durable. A l’échelle du Grand Paris, il existe plusieurs CDT traitant chacun d’une thématique différente. Le CDT de Plaine Commune s’intitule « Territoire de la Culture et de la Création ». Le premier tronçon du projet de rue couverte d’ICADE (Rue des fillettes) serait donc dédié à des installations artistiques. 


Comment les projets retenus, à savoir Cellules Urbaines et Chaume Urbain, peuvent-ils contribuer à la résilience du territoire du Parc des Portes ?
Quelles sont les idées nouvelles qui sont véhiculées dans ces ouvrages en terme d’aménagement urbain ? 


Rues couvertes et adaptation au changement climatique 

Le principe même de rue couverte peut offrir en soi une réponse aux aléas climatiques puisque, par définition, les populations vulnérables peuvent venir y chercher de l’ombre ou une protection contre les intempéries. Cependant, des techniques peuvent s’y ajouter afin de penser plus finement l’adaptation de l’aménagement au contexte climatique urbain futur. 


Cellules Urbaines : le choix du modulaire 

Le projet Cellules Urbaines consiste en un assemblage d'unités couvrantes, modulables selon les besoins. Ces unités sont en fait constituées d’une charpente en lamellé collé, soutenant une toiture qui peut être végétalisée grâce à la présence de substrat. Plus précisément, ce substrat est soutenu par une toiture en taule ondulée. En matière d’adaptation, Cellules Urbaines vise donc à fournir des espaces refuges aux populations lors des fortes chaleurs en proposant un cheminement ombragé et rafraîchi par végétalisation. Selon les porteurs de projet, un ensemble de plusieurs dizaines de cellules serait à même de fournir un îlot de fraîcheur. Il n’y a, à ce jour, pas eu d’étude pour le confirmer.

Cellules urbaines © Agence Parisienne du Climat

Cellules Urbaines © Agence Parisienne du Climat


Gestion des eaux pluviales et biodiversité 

Le changement climatique, d’après les projections, sera aussi porteur d’évènements climatiques extrêmes, comme des intempéries violentes, dont il faudra protéger l’usager. Ce à quoi aspire Cellules Urbaines puisque l’aménagement est pérenne, offrant aussi une protection pour l’hiver. La végétalisation du toit permet quant à elle de stocker une partie des eaux pluviales dans le substrat ce qui soulage le réseau et diminue le risque d’inondation dans la ville. En outre, cette toiture permet également de valoriser la biodiversité locale en lui assurant un espace propice à son développement dans la ville.

























Toiture d'une cellule urbaine végétalisée © Agence Parisienne du Climat

Des points pourraient être cependant améliorés :  

  • La couverture des Cellules urbaines est assez haute, ce qui interroge sur leur capacité à protéger de la pluie lorsque le temps est aussi venteux et orageux 
  • La taule est un matériau pouvant vite chauffer, l’effet d’îlot de fraîcheur est donc d’autant plus à prouver in situ 


Chaume Urbain : architecture bioclimatique et économie circulaire 

MoonWalk Local, second lauréat de l’appel à projet d’ICADE, a élégamment eu l’occasion de construire un prototype de Chaume Urbain de 40 mètres de long sur le Parc des Portes de Paris. Dans une démarche environnementale différente, c’est par le matériau que le collectif pense d’abord ses réalisations : biosourcé, géosourcé ou de réemploi. En effet, Chaume Urbain est un projet de rue couverte composé d’une charpente en chêne et mélèze de réemploi, recouverte d’une toiture en chaume de roseaux autoclavés (traité dans la fibre contre les moisissures). Les matériaux, et notamment la charpente, ont été apportés depuis des sites les plus proches possibles du lieu de construction puis retravaillés par un artisan charpentier qui a su leur donner une seconde vie.






















Chaume Urbain © ICADE


Protection contre les intempéries 


Dans une esthétique qui n’est pas sans rappeler les savoirs faire d’antan, la couverture assure une importante protection de l'usager. Culminant à plusieurs mètres de haut pour redescendre presque au niveau du sol par endroit, tout en étant totalement imperméable, la structure couvre la rue des évènements climatiques extrêmes. Le chaume est d’ailleurs directement imaginé pour l’écoulement de l’eau de pluie : le roseau est conique, la fibre se range donc dans le sens de la pente pour faire glisser l’eau en ce sens.































Toiture de Chaume urbain © Agence Parisienne du Climat

Bien que Chaume Urbain offre une protection prometteuse à l’usager, d’autres fonction auraient permis d’aller plus loin dans la démarche d’adaptation du territoire au changement climatique : par exemple, en l’état, les eaux pluviales ruissellent aux abords de la structure sans qu’aucun système de récupération de ces ressources ne soit intégré.  

 

Penser l’aménagement dans son environnement 


Utilisé jusqu’au XIXème siècle, le chaume présente l’avantage de conserver la chaleur en hiver mais aussi de créer un espace de fraîcheur en période estivale. En l’occurrence, aucune étude relative au potentiel de fraîcheur du Chaume Urbain n’a encore été réalisée. Cependant, dans une démarche d’architecture bioclimatique, c’est-à-dire pensée selon les particularités propres de l’environnement dans lesquelles elle s’inscrit, le collectif de MoonWalk Local a cherché à concevoir cette rue couverte selon la course du soleil afin d’avoir un ombrage optimal. Le projet doit aussi accueillir des panneaux solaires pour l’éclairage et les usages, l’orientation calquée sur l’exposition au soleil laisse imaginer un meilleur rendement énergétique. Il s’agit ici de mettre en relation le site et le programme d’aménagement pour tirer au mieux partie des conditions du lieu. 


Donner de nouveaux usages à la rue 

Pour favoriser les mobilités douces sur son territoire, ICADE souhaite également doter cette future rue couverte (1 km) de fonctions autres que celle de fournir un simple abri, afin d’y voir fleurir un espace de vie nouveau sur la voirie.


Moduler la rue selon les besoins 


Pour Pseudonyme Architecture, ces nouveaux usages reposent sur le fait que cette solution n’est pertinente que dans un assemblage d’un nombre important de cellules. En effet, cet assemblage de cellules pour former un tout, qui est la rue couverte, permet de créer des cheminements « à la carte », pour répondre aux besoins spécifiques de chaque projet. De plus, les toitures des Cellules Urbaines peuvent accueillir d’autres fonctions que la végétalisation comme par exemple la production d’énergie renouvelable en installant des panneaux photovoltaïques. Couplée à des assises, du mobilier urbain ainsi qu’à des installations électriques, Cellules Urbaines peut faire de la rue un lieu de travail et d’activité en extérieur, propice à la rencontre, la création et la récréation. En l’occurrence, les usages ont été pensé autour de la prolongation des espaces de travail.  


Se réapproprier la rue 


Bien que les porteurs de projet de Chaume Urbain ne souhaitent pas que les fonctions de chaque parcelle soient déterminées à l’avance, l’aménagement est tout de même pensé pour promouvoir des usages divers. La rue couverte est dessinée selon des hauteurs de faîtage variées avec des zones larges et des endroits plus intimes. Sur une planification à grande échelle du projet, il y aurait donc des espaces dilatés où pourraient se dérouler des évènements tels que des marchés ou l’installation de Food Trucks le midi. MoonWalk Local a également pensé à du mobilier comme des gradins éco-conçus accueillant des manifestations culturelles et artistiques, des conférences, des séminaires, etc. De manière générale, des dispositifs simples peuvent moduler la rue couverte au gré des saisons (terrasses, mobilier chauffé avec du compost).

Chaume Urbain se place donc plutôt comme une scène offrant aux usagers, ainsi qu’aux acteurs présents sur la voie publique, la possibilité de se réapproprier cet espace via des aménagements, potentiellement éphémères, et une esthétique organique tranchant avec le minéral de la ville. 


Et maintenant ? 

Pour des raisons économiques, c’est a priori le projet de Cellules Urbaine qu’ICADE déclinera sur les artères du Parc des Portes. Le prototype devrait être amélioré en vue de ce déploiement. Chaume Urbain ne sera pour autant pas abandonné et devrait être déplacé en 2022 à l’est du Parc, vers les magasins.  



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